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L’impatience de partir pour la Réunion d’Été s’accrut après que la Neuvième Caverne fut revenue de sa visite aux Septième et Deuxième. Tout le monde se préparait dans la fièvre et l’excitation était quasi palpable. Chaque famille effectuait ses propres préparatifs et les chefs avaient pour tâche d’organiser le départ pour toute la Caverne. C’était parce qu’ils acceptaient d’assumer cette responsabilité et qu’ils s’en acquittaient qu’ils étaient chefs.

Les chefs de toutes les Cavernes zelandonii étaient nerveux avant une Réunion d’Été, mais Joharran plus que d’autres. Si la plupart des Cavernes comptaient de vingt-cinq à cinquante personnes, quelques-unes soixante-dix ou quatre-vingts, généralement apparentées, sa Caverne faisait exception : près de deux cents Zelandonii appartenaient à la Neuvième.

C’était un défi de diriger tant de gens, mais Joharran était à même de le relever. Non seulement sa mère, Marthona, avait mené la Neuvième Caverne mais Joconan, le premier homme à qui elle s’était unie et au foyer duquel il était né, l’avait fait avant elle. Jondalar, le frère de Joharran, né au foyer de Dalanar, l’homme auquel Marthona s’était unie après la mort de Joconan, s’était spécialisé dans une activité pour laquelle il montrait de l’inclination et de l’habileté. Comme Dalanar, on le reconnaissait pour un Maître Tailleur de Silex parce que c’était ce qu’il faisait le mieux. Joharran avait grandi entre des parents exerçant les fonctions de chef et avait une propension naturelle à prendre ces responsabilités. C’était ce qu’il faisait le mieux.

Les Zelandonii n’avaient pas de procédure officielle pour choisir leurs dirigeants mais ils vivaient ensemble, ils apprenaient qui était le mieux à même de les aider à résoudre un conflit ou régler un problème, et ils avaient tendance à suivre ceux qui prenaient en charge l’organisation d’une activité et le faisaient bien.

S’ils décidaient par exemple d’aller chasser, ils ne choisissaient pas forcément de suivre le meilleur chasseur mais plutôt celui qui dirigerait le groupe d’une façon qui garantirait une chasse fructueuse pour tous. Souvent – pas toujours –, le plus apte à résoudre un problème était aussi le meilleur organisateur. Parfois, deux ou trois personnes connues pour des savoir-faire particuliers travaillaient ensemble. Au bout d’un moment, celui qui gérait les conflits le plus efficacement était reconnu pour chef, non par une procédure structurée mais par un accord tacite.

Ceux qui accédaient à une position de commandement acquéraient un statut supérieur mais ils gouvernaient par la persuasion et l’influence, ils ne détenaient aucun pouvoir coercitif. Il n’existait ni règles ni lois exigeant obéissance, ni de moyens de l’imposer, ce qui rendait la tâche de gouverner plus difficile, mais la pression du groupe pour faire accepter les suggestions du chef était forte. La Zelandonia avait encore moins d’autorité contraignante mais peut-être plus de pouvoir persuasif : les chefs religieux étaient extrêmement respectés et un peu craints. Leur connaissance de l’inconnu et leur familiarité avec le monde terrifiant des esprits, élément important de la vie de la communauté, leur valaient une grande considération.

 

 

L’excitation d’Ayla augmentait à mesure que la date du départ approchait. Elle n’avait pas éprouvé une telle impatience l’année précédente, sans doute parce que Jondalar et elle étaient arrivés chez les Zelandonii peu avant le rassemblement annuel et que devoir faire leur connaissance et apprendre leurs manières l’avait rendue nerveuse. Cette année, elle sentait son enthousiasme monter depuis le printemps et l’effervescence des autres la gagner. Les préparatifs demandaient d’autant plus de travail qu’ils ne resteraient jamais longtemps à un même endroit et voyageraient toute la saison.

La Réunion d’Été était le moment où les Zelandonii se rassemblaient, après la longue saison froide, pour resserrer leurs liens, trouver une compagne ou un compagnon, échanger des objets et des informations. Une sorte de camp de base d’où de petits groupes partaient pour pratiquer la chasse ou la cueillette, explorer leur terre et voir ce qui avait changé, rendre visite à d’autres membres des Cavernes pour retrouver des parents ou des amis éloignés. L’été était la saison nomade, les Zelandonii n’étaient essentiellement sédentaires qu’en hiver.

Ayla avait fini de donner le sein à Jonayla et l’avait recouchée. Loup était parti un peu plus tôt chasser ou rôder dans le voisinage. Elle venait de dérouler leur fourrure de couchage pour voir s’il fallait la raccommoder quand elle entendit frapper au poteau de l’autre côté du rideau qui fermait l’entrée de leur habitation. Celle-ci se trouvait vers le fond de l’abri de pierre mais près de la partie sud-est, côté aval, de l’espace à vivre puisqu’elle faisait partie des nouvelles constructions. Elle se leva, écarta le rideau et découvrit avec plaisir Celle Qui Était la Première.

— Je suis contente de te voir, Zelandoni, dit Ayla en souriant. Entre.

Ayla perçut un mouvement dehors et jeta un regard à l’autre abri que Jondalar et elle avaient construit un peu plus loin pour les chevaux. Elle remarqua que Whinney et Grise venaient de revenir de la berge herbeuse de la Rivière.

— J’allais me faire une tisane, en veux-tu une aussi ? proposa-t-elle.

— Oui, merci, répondit la lourde femme.

Elle se dirigea vers un bloc de calcaire qu’ils avaient porté à l’intérieur et recouvert d’un épais coussin pour lui servir de siège. C’était à la fois solide et confortable.

Ayla plaça des pierres à cuire sur les braises rouges du foyer et ajouta du bois. Puis elle prit une outre – une panse d’aurochs lavée avec soin –, versa de l’eau dans un panier au tressage serré, y disposa des morceaux d’os pour protéger le fond des pierres brûlantes.

— Tu veux une infusion particulière ? s’enquit-elle.

— Peu importe, choisis. Quelque chose de calmant, peut-être.

Le bloc de roche et son coussin avaient été installés dans leur foyer peu après leur retour de la Réunion d’Été, l’année précédente. La Première n’en avait pas fait la demande et elle ignorait si l’idée venait d’Ayla ou de Jondalar, mais elle savait qu’ils l’avaient fait à son intention et elle leur en était reconnaissante. Zelandoni avait deux autres sièges en pierre à elle, l’un dans son habitation, l’autre près de l’espace de travail commun. Joharran et Proleva avaient aussi chez eux un siège robuste où elle pouvait s’installer confortablement. Bien qu’elle pût encore s’asseoir sur le sol en cas de nécessité, elle avait de plus en plus de mal à se relever, du fait des années et de son poids sans cesse croissant. Puisque la Grande Terre Mère m’a choisie pour être la Première, Elle a une raison de me faire chaque année plus semblable à Elle, présumait-elle. Tous les Zelandonia qui accédaient au rang de Premier n’étaient pas obèses, mais elle était sûre que la plupart des gens aimaient sa corpulence. Elle lui donnait de la présence et de l’autorité. Un peu moins de mobilité n’était qu’un faible prix à payer.

À l’aide de pinces, Ayla prit une pierre brûlante. Elles étaient faites d’une mince bande de bois détachée d’un arbre, juste sous l’écorce, et repliée à la vapeur. Le bois jeune gardait son élasticité plus longtemps, mais pour ne pas faire mourir l’arbre on ne prélevait la bande que d’un côté du tronc. Elle tapota la pierre contre un des rochers entourant le feu pour en faire tomber les cendres, la laissa tomber dans l’eau, faisant s’élever un panache de vapeur. Une seconde pierre porta l’eau à une brève ébullition. Les morceaux d’os empêchaient les pierres chaudes de brûler le fond du panier et lui assuraient une plus longue durée.

Ayla passa en revue sa réserve de plantes et d’herbes séchées. La camomille avait toujours un effet calmant mais c’était une infusion banale, elle voulait autre chose. Elle remarqua une plante qu’elle avait cueillie récemment et sourit. La mélisse n’avait pas encore totalement séché mais on pouvait déjà l’utiliser. En en ajoutant un peu à la camomille, ainsi que du tilleul pour édulcorer le goût, elle obtiendrait un breuvage apaisant. Elle mit les feuilles dans l’eau, laissa infuser un moment, remplit deux bols et en tendit un à la doniate.

Zelandoni souffla sur la tisane, but une gorgée, inclina la tête sur le côté en tentant d’identifier son goût.

— De la camomille, bien sûr, mais… Laisse-moi réfléchir. De la mélisse, avec peut-être des fleurs de tilleul ?

Ayla sourit. C’était exactement ce qu’elle faisait lorsqu’elle goûtait à un breuvage inconnu : elle s’efforçait d’en analyser la composition. Et bien sûr, Zelandoni connaissait les ingrédients.

— Oui, acquiesça Ayla. J’ai trouvé la mélisse il y a quelques jours seulement. Je suis contente qu’il en pousse à proximité.

— Pourrais-tu en cueillir aussi pour moi, la prochaine fois ? Elle nous serait utile à la Réunion d’Été.

— Avec plaisir. Je peux même y aller aujourd’hui. Elle pousse sur le plateau, près de la Pierre qui Tombe.

Ayla faisait allusion à une colonne de basalte très ancienne que l’érosion avait dégagée du calcaire et qui donnait l’impression de choir alors qu’elle était encore solidement encastrée dans la paroi de la falaise.

— Que sais-tu de l’usage de ces plantes ? demanda la doniate.

— La camomille détend, et si on la prend le soir elle aide à s’endormir. La mélisse calme quand on se sent nerveux et tendu. Elle apaise les maux d’estomac que cause parfois la nervosité et fait dormir. Elle a un goût agréable avec la camomille. Le tilleul soulage le mal de tête, en particulier lorsqu’on est tendu, et sert aussi d’édulcorant.

Ayla pensa à Iza, qui lui posait des questions semblables pour vérifier qu’elle avait mémorisé les connaissances qu’elle lui transmettait.

— Oui, cette infusion pourrait servir de calmant léger, approuva la Première.

— Lorsque quelqu’un est très excitable et n’arrive pas à dormir, il faut quelque chose de plus fort. Des racines de valériane bouillies, par exemple.

— Surtout le soir, pour faciliter le sommeil, mais si l’estomac est également perturbé, des fleurs et des feuilles de verveine conviennent peut-être mieux, suggéra la Zelandoni.

— J’ai souvent utilisé de la verveine pour quelqu’un qui relevait d’une longue maladie, mais il ne faut pas en donner à une femme enceinte. Elle peut provoquer le travail et même l’écoulement du lait.

Les deux femmes se turent, se regardèrent et rirent.

— Tu n’imagines pas combien je suis heureuse d’avoir quelqu’un à qui parler de remèdes, dit Ayla. Surtout quelqu’un qui possède un tel savoir.

— Je crois que tu en sais autant que moi. Plus, peut-être, pour certaines choses, et c’est un plaisir d’échanger des idées avec toi. J’attends beaucoup de nos discussions futures.

Zelandoni regarda autour d’elle, tendit le bras vers la fourrure de couchage étendue sur le sol.

— Tu te prépares pour le voyage, à ce que je vois.

— Je vérifiais qu’il ne faut pas la recoudre. Il y a un moment que nous ne l’avons pas utilisée. Elle convient pour voyager par tous les temps.

La fourrure de couchage se composait de plusieurs peaux cousues ensemble pour accueillir quelqu’un d’aussi grand que Jondalar. Elle était fermée aux pieds et des lanières amovibles passées dans des trous sur les côtés pouvaient être serrées ou laissées lâches, ou même enlevées quand il faisait particulièrement chaud. On utilisait des peaux épaisses pour l’extérieur du dessous afin d’obtenir un coussin isolant du sol dur et souvent froid. De nombreuses fourrures convenaient, mais on choisissait généralement celles d’un animal tué pendant la saison froide. Pour celle-là, Ayla avait pris la fourrure d’hiver extrêmement dense d’un renne. Le dessus, plus léger, provenait de peaux d’été de mégacéros, ce qui, du fait de leur grande taille, permettait de ne pas avoir à coudre beaucoup de pièces. Si le temps fraîchissait, on ajoutait une fourrure par-dessus et, s’il faisait vraiment froid, à l’intérieur aussi, et on laçait les côtés.

— Je suis justement venue te parler de la Réunion d’Été, dit la Première. Ou plutôt de ce que nous pourrions faire après les premières cérémonies. Je te suggère d’emporter ce qu’il faut pour continuer à voyager une fois là-bas. Il y a dans cette région des sites sacrés que tu dois absolument voir. Plus tard, dans quelques années, je t’en montrerai d’autres et je te présenterai à des membres de la Zelandonia qui vivent au loin.

Ayla sourit. Elle aimait l’idée de découvrir de nouveaux endroits s’ils n’étaient pas trop éloignés. Elle avait fait assez de longs voyages. Se rappelant que Whinney et Grise venaient de rentrer, elle songea à un moyen de faciliter les déplacements de la Première.

— Avec les chevaux, nous irions plus vite.

La doniate secoua la tête, but une gorgée.

— Jamais je ne parviendrai à monter sur un cheval.

— Tu n’aurais pas à le faire. Tu serais sur les perches à tirer, derrière Whinney. Nous pourrions installer dessus un siège confortable.

Ayla songeait depuis un moment à un moyen d’aménager le travois pour transporter des personnes, en particulier Zelandoni.

— Qu’est-ce qui te fait croire que ce cheval pourrait tirer quelqu’un de mon poids sur tes perches ?

— Whinney a transporté des fardeaux bien plus lourds que toi. C’est une jument très puissante. Elle pourrait te tirer, toi, tes affaires et tes médecines. En fait, je m’apprêtais à te demander si tu voulais qu’elle porte tes remèdes avec les miens à la Réunion d’Été. Nous ne monterons pas les chevaux pour aller là-bas. Nous avons promis à plusieurs personnes que Whinney et Rapide porteraient certaines choses. Joharran aimerait nous confier des poteaux pour construire les abris d’été de la Neuvième Caverne. Et Proleva souhaiterait que nous nous chargions de ses grands paniers à cuire spéciaux pour les fêtes et les repas en commun. Jondalar voudrait aussi alléger le fardeau de Marthona.

— Tu feras apparemment bon usage de tes chevaux, approuva la Première, qui élaborait déjà un plan dans sa tête.

Elle projetait divers voyages pour Ayla. Elle voulait lui faire rencontrer des Zelandonii de Cavernes éloignées et peut-être aussi des peuples voisins vivant près des limites de leur territoire. Mais la Première avait le pressentiment que la jeune femme, après avoir parcouru tant de chemin pour venir chez son compagnon, ne serait pas intéressée par le long voyage qu’elle envisageait pour elle. Elle ne lui avait pas encore parlé du Périple de Doniate que tous les acolytes devaient accomplir.

Elle se dit que si elle acceptait de se faire tirer par la jument, cela encouragerait Ayla à voyager avec elle. La Première n’avait aucune envie de s’asseoir sur ces perches et, pour être franche avec elle-même, elle devait avouer que cela l’effrayait, mais elle avait affronté de pires craintes dans sa vie.

— Nous verrons peut-être un jour si Whinney peut me tirer, dit-elle.

Un sourire s’élargit sur le visage de la jeune femme.

— Pourquoi pas aujourd’hui ? suggéra Ayla, qui voulait profiter de l’humeur conciliante de Zelandoni avant qu’elle change d’avis.

Elle vit une expression stupéfaite apparaître sur les traits de la Première. À cet instant précis, le rideau de l’entrée s’écarta et Jondalar entra. Il remarqua la mine étonnée de Zelandoni et se demanda ce qui l’avait causée.

Ayla se leva et Jondalar la salua en la prenant brièvement dans ses bras et en effleurant sa joue de la sienne, mais les sentiments profonds qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre sautaient aux yeux et n’échappèrent pas à la visiteuse. Jondalar tourna la tête vers le bébé, remarqua qu’il dormait puis s’approcha de la Première et la salua de la même manière en continuant à s’interroger sur ce qui l’avait déconcertée.

— Jondalar pourra nous aider, ajouta Ayla.

— Vous aider en quoi ?

— Zelandoni parlait de rendre visite cet été à des Cavernes lointaines et j’ai pensé que ce serait plus facile et plus rapide avec les chevaux.

— Sûrement, mais tu crois que Zelandoni pourrait apprendre à monter ?

— Ce ne serait pas nécessaire. Nous pourrions installer un siège confortable sur les perches et Whinney la tirerait.

Jondalar réfléchit, le front plissé, puis approuva de la tête.

— Pourquoi pas ?

— Zelandoni serait prête à essayer un jour et je lui ai proposé de le faire aujourd’hui.

La Première décela une lueur amusée dans les yeux de Jondalar et, cherchant une échappatoire, s’adressa à Ayla :

— Tu disais qu’il faudrait fabriquer un siège…

— C’est vrai, mais je te propose de faire un essai pour te convaincre que, contrairement à ce que tu penses, Whinney peut parfaitement te tirer. Pas besoin de siège pour ça. Moi je n’en doute pas, mais ça te rassurerait et nous réfléchirions ensuite à la façon de fabriquer un siège.

Zelandoni sentit que, toute à son ardeur à faire accomplir à Ayla son Périple de Doniate, elle s’était fait prendre au piège. Avec un long soupir, elle se leva.

— Bon, allons-y.

Lorsqu’elle vivait dans sa vallée, Ayla avait trouvé un moyen de transporter des choses volumineuses et lourdes, comme le corps d’un animal abattu et aussi, un jour, Jondalar, blessé et inconscient. Il s’agissait de deux perches attachées aux épaules du cheval par une sorte de harnais fait de lanières tendues en travers de son poitrail. Les autres extrémités des perches s’écartaient et reposaient sur le sol derrière la bête. Du fait de leur surface de frottement très réduite, elles étaient relativement faciles à tirer, même sur un terrain rocailleux, pour des chevaux vigoureux. Reliant les deux perches, une plate-forme en bois, en peau d’animal ou en vannerie permettait de transporter des fardeaux, mais Ayla n’était pas certaine qu’elle ne plierait pas et ne toucherait pas le sol sous le poids de la Première.

— Finis ton infusion, dit-elle à Zelandoni. Il faut d’abord que je trouve Folara ou quelqu’un d’autre pour garder Jonayla. Je ne veux pas la réveiller.

Ayla revint peu de temps après mais pas avec Folara. Ce fut Lanoga, la fille de Tremeda, qui entra dans l’habitation en portant sa jeune sœur Lorala. Depuis son arrivée, Ayla s’était efforcée d’aider Lanoga et le reste des enfants de ce foyer. Jamais elle n’avait éprouvé une colère aussi grande que lorsqu’elle avait découvert la négligence du couple, mais elle n’avait rien pu faire – personne d’autre non plus –, excepté aider les petits.

— Nous ne serons pas partis longtemps, dit-elle à Lanoga, nous allons seulement à l’abri des chevaux. Il y a de la soupe avec de bons morceaux de viande qui restent et des légumes si vous avez faim, ta sœur ou toi.

— Lorala, peut-être. Elle n’a rien pris depuis que je l’ai emmenée téter Stelona ce matin, répondit Lanoga.

— Mange, toi aussi, lui recommanda Ayla en partant.

Elle était sûre que la fillette n’avait rien avalé depuis le matin. Lorsqu’ils furent assez loin pour ne pas être entendus, Ayla donna enfin libre cours à son indignation :

— Il va falloir que je passe voir chez Tremeda s’il y a de la nourriture pour les enfants.

— Tu leur en as apporté il y a deux jours, rappela Jondalar. Il doit en rester.

— Sache que Tremeda et Laramar la mangent aussi, l’informa Zelandoni. Tu ne peux pas les en empêcher. Et si tu leur apportes des grains ou des fruits, ou quoi que ce soit qui fermente, Laramar l’ajoute à sa sève de bouleau pour son barma. Au retour, j’irai chez eux prendre les enfants, je trouverai bien quelqu’un pour leur donner le repas du soir. Il ne faut pas que tu sois la seule à les nourrir, Ayla. Nous sommes suffisamment nombreux à la Neuvième Caverne pour que ces enfants aient à manger.

Lorsqu’ils arrivèrent à l’abri des chevaux, Ayla et Jondalar consacrèrent un peu de leur attention à Whinney et à Grise. Puis Ayla décrocha d’un poteau le harnais spécial et conduisit la jument dehors. Jondalar, qui se demandait où était Rapide, s’approcha du bord de la plate-forme rocheuse pour regarder en direction de la Rivière, ne l’aperçut pas. Il avança les lèvres pour siffler, changea d’avis : il n’avait pas besoin de l’étalon pour le moment. Il le chercherait plus tard, une fois qu’ils auraient fait asseoir la Zelandoni sur les perches.

Ayla promena les yeux autour de l’abri des chevaux, remarqua des planches détachées d’un rondin à l’aide de coins et d’une masse. Elle avait prévu d’en faire de nouvelles mangeoires pour les chevaux, mais Jonayla était née et elle avait continué à se servir des anciennes. Comme les planches étaient restées sous le surplomb, protégées du mauvais temps, elles semblaient encore utilisables.

— Ce qu’il nous faudrait, c’est une plate-forme moins souple. Tu crois qu’on pourrait fixer ces planches en travers des perches ? demanda Ayla à son compagnon.

Il considéra les perches et les planches puis la femme au corps si abondamment enveloppé. Son front se creusa de plis familiers.

— L’idée est bonne, mais les perches sont peut-être trop flexibles.

Il y avait toujours des lanières et des cordes dans l’abri des chevaux et le couple s’en servit pour attacher les planches sur les perches. Puis ils reculèrent pour examiner leur travail.

— Qu’en penses-tu, Zelandoni ? dit Jondalar. Les planches penchent un peu mais ça peut s’arranger. Tu crois que tu pourrais t’asseoir dessus ?

— C’est peut-être un peu haut pour moi.

Pendant qu’Ayla et son compagnon s’efforçaient de remédier au problème, la Première observait l’assemblage qu’ils préparaient et se demanda s’il conviendrait. Jondalar avait fabriqué pour Whinney un licou semblable à celui qu’il utilisait pour Rapide, mais Ayla s’en servait rarement. Elle dirigeait généralement sa jument – qu’elle montait sur une simple couverture en cuir souple – par la pression de ses genoux, mais dans des circonstances particulières, notamment en présence d’autres personnes, ce licou lui donnait plus de maîtrise encore sur l’animal.

Pendant qu’elle le passait à la jument, Jondalar et Zelandoni s’approchèrent du travois renforcé. Les planches étaient effectivement un peu hautes pour la Première et il l’aida à se hisser dessus. Les perches se courbèrent sous son poids, assez pour qu’elle puisse toucher le sol du pied, et cela lui donna l’impression qu’elle pourrait descendre facilement. Finalement, ce n’était pas si terrible.

— Tu es prête ? lui demanda Ayla.

— Autant que je le serai jamais.

Ayla fit avancer Whinney au pas en direction d’En-Aval. Jondalar suivit en adressant à la Zelandoni un sourire encourageant. Puis Ayla amena la jument sous le surplomb, la fit tourner jusqu’à ce qu’ils se retrouvent face à la direction opposée et poursuivit vers le bord est de la corniche, vers les habitations.

— Arrête-toi, maintenant, réclama la Première.

Ayla retint aussitôt la jument.

— Tu n’es pas bien installée ?

— Si, mais tu as bien dit que vous feriez un siège pour moi ?

— Oui.

— Alors, il vaudrait mieux que je sois assise dessus la première fois que les gens me verront, pour qu’ils soient impressionnés.

Ayla et Jondalar demeurèrent un moment interloqués puis il répondit :

— Tu as probablement raison.

Aussitôt, sa compagne enchaîna :

— Cela veut dire que tu acceptes de voyager sur les perches ?

— Oui, je pense que je m’y ferai. Ce n’est pas comme si je ne pouvais pas descendre à tout moment, déclara la Première.

 

 

Ayla n’était pas la seule à se préparer pour le voyage. Tous les membres de la Caverne inspectaient leur équipement dans leur habitation ou dehors, sur les espaces de travail. Il fallait raccommoder les fourrures de couchage, vérifier les tentes et certains éléments des abris d’été, même si la plupart des matériaux pour les construire seraient disponibles à l’emplacement du camp. Ceux qui avaient fabriqué des objets pour les offrir ou les troquer, en particulier ceux qui excellaient dans certaines activités, devaient choisir lesquels prendre et en quelle quantité. Ils ne pouvaient en emporter beaucoup puisque cela s’ajouterait à la nourriture pour le voyage et les festins sur place, aux vêtements, aux fourrures de couchage et autres objets indispensables.

Ayla et Jondalar avaient déjà décidé de fabriquer de nouvelles perches pour Whinney et Rapide : les extrémités en contact avec le sol s’usaient rapidement, en particulier quand on transportait de lourdes charges. Ils avaient proposé l’aide des chevaux à leurs parents et amis proches, mais même les bêtes les plus vigoureuses ont leurs limites.

Dès le début du printemps, la Caverne avait fait provision de viande, de baies, de fruits, de noix, de champignons, de feuilles et de racines comestibles, de grains, et même de lichen et d’écorce d’arbre. Les Zelandonii n’emporteraient qu’une petite quantité de nourriture fraîche, le reste serait séché. La nourriture séchée se conservait longtemps et pesait moins lourd, ce qui leur permettrait d’en emporter davantage pour le voyage et les premiers jours après leur arrivée, jusqu’à ce qu’ils s’organisent pour chasser sur les lieux de la Réunion d’Été.

Le site changeait chaque année selon un cycle régulier d’endroits adéquats. Il n’y avait qu’un nombre restreint de lieux pouvant accueillir une Réunion d’Été et après chaque utilisation il fallait attendre quelques années avant d’y revenir. Avec autant de personnes rassemblées – entre mille et deux mille – les ressources locales étaient épuisées à la fin de l’été et il fallait laisser la terre se reposer. L’année précédente, ils avaient suivi la Rivière en direction du nord sur une quarantaine de kilomètres. Cette année, ils se dirigeraient vers l’ouest jusqu’à la Rivière de l’Ouest, dont le cours était à peu près parallèle à celui de la Rivière.

Joharran et Proleva finissaient de prendre le repas de midi chez eux, avec Solaban et Rushemar. Ramara, la compagne de Solaban, et son fils Robenan venaient de partir avec Jaradal, le fils de Proleva, deux garçons comptant six années chacun. Sethona, son bébé, s’était endormi dans les bras de Proleva et elle venait de le coucher. Lorsqu’on frappa au panneau de cuir brut jouxtant l’entrée, Proleva crut que Ramara avait oublié quelque chose et fut surprise en voyant entrer une femme beaucoup plus jeune.

— Galeya ! s’exclama-t-elle, un peu surprise.

Si Galeya était une amie d’enfance de Folara, la sœur de Joharran, et leur rendait souvent visite, elle le faisait rarement seule.

— Tu es déjà de retour ? dit Joharran à la jeune fille.

Il fournit aux autres une explication :

— Comme elle excelle à la course, je l’ai envoyée tôt ce matin à la Troisième Caverne pour savoir quand Manvelar compte partir.

— Lorsque je suis arrivée là-bas, il s’apprêtait à t’envoyer un messager, répondit Galeya.

Un peu essoufflée, elle avait les cheveux humides de sueur après son effort.

— Manvelar dit que la Troisième est prête, poursuivit-elle. Il veut partir demain matin. Si la Neuvième est prête aussi, il aimerait voyager avec nous.

— C’est un peu plus tôt que je ne le prévoyais, je comptais partir dans un jour ou deux, fit Joharran avec une expression préoccupée. Vous pourriez être prêts demain matin ? demanda-t-il aux autres.

— Moi oui, répondit Proleva sans hésiter.

— Nous pourrions probablement aussi, dit Rushemar. Salova a fini de préparer le dernier des paniers qu’elle veut emporter. Nous n’avons pas encore fait les ballots, mais tout est prêt.

— Je suis encore en train de faire un choix de manches, expliqua Solaban. Marsheval est venu hier discuter de ce qu’il doit emporter. Il semble être doué lui aussi pour travailler l’ivoire et il s’améliore, ajouta-t-il dans un sourire.

Solaban fabriquait des manches pour couteaux, ciseaux et autres outils. S’il utilisait du bois ou du bois de cerf, il aimait particulièrement l’ivoire des défenses de mammouth et avait commencé à s’en servir pour faire d’autres objets comme des perles ou des statuettes, surtout depuis que Marsheval était devenu son apprenti.

— Peux-tu être prêt à partir demain matin ? insista Joharran.

Il savait que Solaban se torturait jusqu’au dernier moment pour choisir quels manches emporter à la Réunion d’Été.

— Je crois que oui, répondit l’artisan. Oui, répéta-t-il d’un ton plus décidé. Et Ramara aussi, j’en suis sûr.

— Bien, approuva Joharran, mais je dois savoir pour le reste de la Caverne avant d’envoyer un messager à Manvelar. Rushemar, Solaban, prévenez tout le monde que j’aimerais avoir une courte réunion, le plus tôt possible. Vous pourrez préciser pour quoi si on vous pose la question et prévenez que la personne représentant son foyer devra être en mesure de prendre une décision pour tous ses membres.

Il jeta les restes de son bol à manger personnel dans le feu puis l’essuya, ainsi que son couteau, avec une peau de daim humide avant de les ranger dans un sac accroché à sa ceinture. Il les passerait à l’eau à la première occasion. En se levant, il dit à Galeya :

— Je ne crois pas qu’il faille que tu retournes là-bas, j’enverrai un autre messager.

Soulagée, elle sourit.

— Palidar est rapide. Nous avons couru ensemble hier et il m’a presque battue.

Joharran dut fouiller sa mémoire – ce nom ne lui était pas familier – et se souvint au bout d’un moment de la chasse aux lions. Galeya avait fait équipe avec un jeune homme de la Troisième Caverne et Palidar les avait accompagnés.

— N’est-ce pas un ami de Tivonan, le jeune que Willamar a plusieurs fois emmené faire du troc ?

— Si. La dernière fois, il est rentré avec eux et a décidé qu’il pouvait aussi bien se rendre avec nous à la Réunion d’Été et y retrouver sa Caverne.

Joharran ne savait pas encore s’il prendrait pour messager ce jeune ou un membre de la Neuvième Caverne, mais il comprit que Palidar intéressait Galeya, l’amie de Folara, et que le jeune homme avait trouvé une raison de rester. S’il devait un jour appartenir à la Neuvième, Joharran voulait en savoir plus à son sujet, mais il avait d’autres questions plus urgentes à régler.

Joharran savait qu’une personne au moins de chaque foyer serait présente à la réunion et quand il vit les Zelandonii commencer à sortir de leurs habitations, il comprit que tout le monde ou presque voulait apprendre pourquoi le chef avait convoqué une réunion. Lorsqu’ils furent rassemblés sur l’espace de travail, il monta sur la grosse pierre plate qui y avait été installée pour que chacun pût voir le chef ou quiconque avait quelque chose à dire.

— J’ai parlé il y a peu à Manvelar, commença-t-il sans préambule. Comme vous le savez, la Réunion d’Été se déroulera cette année dans le grand pré qui s’étend près de la Rivière de l’Ouest et d’un de ses affluents, non loin de la Vingt-Sixième Caverne. La compagne de Manvelar vient de cette Caverne et lorsque ses enfants étaient jeunes Manvelar et elle s’y rendaient souvent. Je sais comment y aller en descendant jusqu’à la Grande Rivière puis en prenant à l’ouest jusqu’à un autre cours d’eau qui se jette dans la Rivière de l’Ouest, et en la suivant en direction du nord jusqu’au lieu de la Réunion d’Été. Mais Manvelar connaît une route plus directe en partant de la Rivière des Bois et en tournant ensuite vers l’ouest. Nous arriverions plus vite et j’espérais faire le voyage avec la Troisième Caverne, seulement, ils partent demain matin.

Un murmure monta de l’auditoire mais, avant que quiconque puisse prendre la parole, Joharran continua :

— Je sais que vous appréciez d’être prévenus quelques jours avant le départ et je m’efforce généralement de le faire. Je suis certain cependant que la plupart d’entre vous sont presque prêts à partir. Si vous pouvez l’être tous demain matin, nous accompagnerons la Troisième Caverne et nous arriverons plus vite. Plus tôt nous serons là-bas, plus nous aurons de chances de trouver un bon endroit où établir notre camp.

Çà et là dans la foule s’engagèrent des conversations dont il saisit des bribes : « Je ne sais pas si nous pouvons être prêts pour demain », « Nous n’avons pas encore fait nos sacs », « Il ne peut pas nous attendre un jour ou deux ? »… Le chef laissa la discussion se poursuivre un moment avant de reprendre :

— Je ne crois pas que ce serait juste de demander à la Troisième de retarder son départ pour nous. Ils veulent eux aussi trouver un bon endroit. Il me faut une réponse pour pouvoir renvoyer un messager à Manvelar. Le représentant de chaque foyer doit prendre une décision maintenant. Si la plupart d’entre vous pensent pouvoir être prêts, nous partirons demain. Que ceux qui sont de cet avis se rangent à ma droite.

Après un temps d’hésitation, Solaban et Rushemar s’approchèrent et se placèrent à la droite de Joharran. Jondalar regarda Ayla, qui hocha la tête en souriant. Il rejoignit les deux hommes à la droite de son frère. Marthona fit de même, d’autres aussi. Personne ne se plaça à la gauche du chef pour exprimer son opposition, mais plusieurs demeuraient immobiles.

Chaque fois qu’un Zelandonii de plus se joignait au groupe, Ayla prononçait à voix basse le mot à compter correspondant et se tapait la cuisse de l’index en même temps.

— Dix-neuf, vingt, vingt et un… Combien y a-t-il de foyers ?

Lorsqu’elle parvint à trente, il était évident que la plupart approuvaient les arguments du chef. Après que cinq personnes de plus eurent encore grossi le groupe, elle compta les foyers qui restaient. Il n’y avait que sept ou huit indécis.

— Et ceux qui ne seront pas prêts demain ? demanda l’un d’eux.

— Ils partiront seuls plus tard, répondit Joharran.

— Mais nous y allons toujours tous ensemble, protesta un autre. Je ne veux pas y aller seul…

— Alors, arrange-toi pour être prêt demain, lui conseilla Joharran avec un sourire. Comme tu le vois, la plupart d’entre nous ont décidé de partir demain. Je vais envoyer un messager à Manvelar pour l’informer que nous rejoindrons la Troisième Caverne demain matin.

Pour une Caverne aussi nombreuse que la Neuvième, il y avait toujours quelques personnes dans l’incapacité de partir, du moins à un moment donné, les malades ou les blessés, par exemple. Joharran désigna quelques Zelandonii qui resteraient afin de prendre soin d’eux et de chasser pour les nourrir. Ils seraient remplacés par d’autres après une demi-lune afin qu’ils ne manquent pas totalement la Réunion d’Été.

Les membres de la Neuvième Caverne restèrent debout beaucoup plus tard que d’habitude et le lendemain matin, quand ils commencèrent à se rassembler, quelques-uns étaient manifestement fatigués et grincheux. Manvelar et la Troisième Caverne étaient arrivés tôt et attendaient sur l’espace découvert situé juste après les habitations, vers En-Aval, non loin de l’endroit où Ayla et Jondalar vivaient. Déjà prêts, Marthona, Willamar et Folara étaient venus chez le jeune couple pour faire transporter une partie de leurs affaires par les chevaux.

Ils avaient aussi apporté à manger pour partager le repas du matin avec Manvelar et quelques autres. La veille, Marthona avait suggéré à ses fils de recevoir le chef de la Troisième Caverne et sa famille dans l’habitation d’Ayla – ainsi appelée parce que Jondalar l’avait construite pour elle – pour permettre ainsi à Joharran et à Proleva d’organiser plus tranquillement le reste de la Caverne pour la longue marche jusqu’à Vue du Soleil, le foyer de la Vingt-Sixième Caverne des Zelandonii, lieu de la Réunion d’Été.

Le Pays Des Grottes Sacrées
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